Contexte et enjeux de l’initiative « Pas de Suisse à 10 millions »
Une étape majeure s’ouvre à Berne ce lundi: le National entame un débat d’envergure sur l’initiative populaire de l’UDC « Pas de Suisse à 10 millions », qui vise à restreindre l’immigration. Selon ses promoteurs, le texte prévoit de maintenir la population permanente de la Suisse sous le seuil de 10 millions d’ici 2050.
Pour mémoire, l’UDC rappelle que depuis l’introduction de la libre circulation des personnes en 2002, plus d’un million de ressortissants européens ont immigré en Suisse.
Concrètement, l’initiative prévoit que la population permanente n’excède pas 10 millions d’habitants d’ici 2050. Dès que le seuil de 9,5 millions est atteint, le Conseil fédéral devrait prendre des mesures, notamment dans les domaines de l’asile et du regroupement familial. Le texte évoque, si nécessaire, la résiliation de l’accord sur la libre circulation avec l’UE, ce qui actionnerait la notion dite de « guillotine » et pourrait remettre en cause les autres accords bilatéraux.
L’enjeu est important: l’échéance du vote est fixée à l’été 2026, soit avant les nouveaux paquets d’accords entre la Suisse et l’Union européenne prévus pour 2027.
Évolution démographique et argumentaire de l’UDC
Pour l’UDC, la maîtrise de l’immigration est devenue nécessaire. En 2002, avant l’entrée en vigueur de la libre circulation des personnes, la population helvétique était estimée à 7 millions. Aujourd’hui, elle s’établit à 9,1 millions, soit un accroissement de 2 millions en 25 ans, selon Pascal Schmid (UDC/TG).
Il ajoute que cette progression est « cinq fois la population de Genève ». Selon lui, cet essor urbain se poursuit, les loyers augmentent, les embouteillages se multiplient, les transports publics sont chargés et les écoles se saturent; la criminalité, affirme-t-il, augmenterait.
Réactions et positions politiques
La gauche
La gauche critique l’initiative et la décrit comme xenophobe et rétrograde, susceptible de ramener le pays à une économie fondée sur les saisonniers et à des travailleurs étrangers privés de droits, mais supposément exploités, selon Delphine Klopfenstein Broggini (Verts/GE).
Mattea Meyer (PS/ZH) rappelle que les EMS, les hôpitaux et les crèches manqueraient bientôt de personnel, en partie composé d’étrangers. Elle affirme que la « clause guillotine » mettrait en péril les accords bilatéraux, et que Bilatérales III serait « un accord mort-né ».
La droite et le centre
Même à droite, les élus ne cachent pas leur opposition: Nicolò Paganini (Centre‑Droit/C/SG) juge le texte trop rigide et dangereux pour la voie bilatérale qui a fait ses preuves.
Peter Schilliger (PLR/LU) parle d’un texte « irresponsable et néfaste », capable de menacer l’approvisionnement, la prospérité et l’économie. Le Centre a aussi tenté d’avancer un contre-projet direct prévoyant une clause de sauvegarde constitutionnelle, afin de préserver l’accord sur la libre circulation des personnes, sans toutefois estimer que cela passerait.
Calendrier parlementaire et résultats attendus
Le débat, qui a réuni 115 orateurs pour près de 11 heures d’échanges, s’achemine vers une décision prochaine: le verdict est attendu au cours de la semaine, avec une orientation défavorable à l’initiative, selon l’analyse des parlementaires.
Dans la perspective de 2026, l’UDC entend peser pour faire adopter le texte par le peuple, à l’image de sa victoire en 2014 sur l’initiative « contre l’immigration de masse ».
Mobilisation extérieure au Parlement
Sur le terrain, Unia a lancé lundi une action symbolique sur la Place fédérale, présentant un « loup déguisé en agneau » pour dénoncer l’initiative comme une attaque contre les droits des salariés et la libre circulation. L’ASLOCA s’est elle aussi exprimée, estimant que le texte ne résout pas la flambée des loyers et pointant du doigt les pratiques des sociétés immobilières qui, selon elle, profitent de la crise du logement pour augmenter les rendements.